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    “Deux choses nous éclairent, qui sont toutes les deux imprévisibles : un amour ou une mort.

    C’est par ces événements seuls qu’on peut devenir intelligents, parce qu’ils nous rendent ignorants”

    Christian Bobin, Le paradis de la mort, La lumière du monde,

    Ed. Gallimard, 2001

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    Témoignages
    de fin de vie

    Rentrer au port, larguer les amarres, se laisser emporter, se laisser couler...autant de façons de mourir, autant d’interrogations...

    Voici des témoignages qui racontent l’amour et la mort.
    Au moment où le sujet du mourant est d’actualité, je voulais amener ces quelques témoignages pour nourrir la réflexion.

    J’écoute les arguments des soins palliatifs, le rôle crucial de l'accompagnement et le droit de mourir dans la dignité.
    La dignité est une évidence. En revanche, elle revêt plusieurs visages et une multitude de facettes.

    C’est ce prisme que je vous donne à regarder.

    Préambule

    Je suis soignante. 


    Ne pas se méprendre, soigner n’est pas donner mais prendre. On dit “prendre soin”. Apprendre à prendre le temps, apprendre à recevoir, apprendre à tenir, retenir, soutenir, apprendre à étreindre, à écouter, à accepter… et comme le petit enfant expérimente la préhension, depuis le réflexe d'agrippement jusqu’à la pince fine du pouce et de l’index, cet apprentissage est long…des années…


    Mon parcours professionnel (Infirmière, formatrice, coordinatrice des soins, psychologue) m’a amené à travailler dans une douzaine de services hospitaliers et d’institutions; des années où j’ai glané des histoires de fin de vie suffisamment renversantes pour me donner envie de vous les faire partager.

    Ces histoires, toutes différentes les unes des autres, ne sont pas des leçons, elles sont juste à écouter avec humilité et peut-être (ce que j’espère de mes vœux), assez éloquentes pour que vous puissiez en tirer une réflexion sur votre propre cheminement.

    Il y a la fin de vie épique des déments et avec eux, il faut accepter de se laisser surprendre, leurs sauts psychiques tournent nos émotions en dérision. Ils ont l’art et la manière de nous faire passer de l’hilarité aux larmes, et, vous le découvrirez, de ressentir l’indicible.
    Puis la fin de vie de vieillards sains d’esprit arrivant au bout de la route, de purs adieux tranquilles. Avec brio et sagesse, ils apprivoisent l’invisible.


    A tous les âges, il y a ceux qui résistent, qui s’arc-boutent contre vents et marées, ceux qui ont peur, ceux qui attendent quelqu’un ou quelque chose, ceux qui rêvent, des extra-lucides de l’imperceptible.
    Et enfin, ceux qui veulent en finir, ces personnes à la volonté vissée quelque part, portées avec précaution, et dont la mémoire reste gravée, tatouée au creux des bras, indélébile.

    La mort m'intéresse. C’est un sujet digne d’intérêt qui est pourtant banni (comme une vulgaire mauvaise fréquentation !), récusé (pour ne pas risquer d’allumer d’houleux débats sur les croyances et les religions), ou tout simplement refoulé.
    Les émotions au moment de cette “séparation” sont peu décrites, le moment où le corps “rend l'âme'' reste une énigme. Observer et relever ce qui se passe à ce moment d’intimité magnétique fait affleurer à la conscience sa propre façon d'y faire face, pour peu qu’on soit d’humeur amène.

    Ecoutez simplement ces deux façons de vivre sa fin de vie, (il y en a d'autres); ces formules entendues ne sont-elles pas étonnantes ?“Je veux me délester, faire le ménage dans mes affaires, dire au revoir, je largue les amarres” ou bien “je veux me replonger dans les souvenirs, être entourée de mes affaires, je veux rentrer au port''. Ne dit-on pas que les bateaux, dans les ports, sont reliés aux corps-morts ?

    Aucune “croyance” ou religion ne me guide dans cette quête. Je ne suis influencée ni par : “il n’y a rien, on ne ressent rien, c’est le trou noir, on retourne au néant”, ni par : “il y a un paradis, c’est merveilleux, ou un enfer (mérité évidemment)”, ni par: “un vortex de lumière qui absorbe ou aspire ou emmène l’âme”, ni par : “il y a un autre monde parallèle” etc. Ce dont je suis sûre est qu’énoncer qu’il n’y a rien est tout aussi présomptueux qu’énoncer qu’il y a quelque chose.

     

    La science progresse et jusqu’à présent n’a pas de réponse validée, mais rien ne dit qu’un jour, pas forcément lointain, nous en saurons plus sur la physique des énergies, la chimie des perceptions sensorielles, et que sais-je encore ? (où plutôt que ne sais-je pas ?) donc la sagesse est de ne rien prétendre savoir à coup de dogmes et de certitudes tranchantes.

    Toutes ces fins de vie sont vraies. Pour vous les rapporter, je les ai habillées ou déshabillées ou intentionnellement travesties, afin de les rendre méconnaissables, et respecter la totale confidentialité aux proches survivants.

     

    Je donne peu d’indices liés à l’histoire de vie, car l’expérience m’a montrée que pour entrer dans ce moment de fin de vie, nul besoin d’anamnèse indigeste de la personne, il vaut mieux une virginité de pensée pour se mettre au diapason d’une personne mourante. Celle-ci peut dire, demander ou vouloir des choses impensables, improbables pour l’entourage. Ce moment ne ressemble en rien à ce que la personne connaît et il ne faut pas l’enfermer dans des pensées ou des actes dictés par son “vécu”. Seul m’a intéressée ce que j’ai entendu, vu, respiré. Bien sûr, ce que j’ai ressenti compte tout autant, mais ces ressentis sont clairement exprimés comme étant les miens.

    Ces histoires datent parfois de plusieurs années. Je n’ai jamais pris aucune note, mais je me souviens de toutes ces fins de vie comme si je les avais vécues hier (et pourtant, je suis inepte en dates familiales !). Ces souvenirs sont précis, détaillés, les couleurs, les odeurs, les paroles, les souffles, tout est là, blotti dans ma mémoire, et il suffit de nommer la personne pour que toute la clarté du moment se présente à moi. 

    Au détour de ces histoires, vous trouverez des agents du quotidien qui accompagnent les mourants, tout comme nous les soignants. Antoine; le responsable technique des travaux (le factotum), Arthur, le cuisinier, Annie, la lingère, Agnès, l’ergothérapeute.

     

    Vous retrouverez aussi des chats Bob et Amy (pour les connaisseurs Bob pour Bob Marley et Amy pour Amy Winehouse).

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